Entretien avec le Secrétaire du Conseil pontifical pour la famille, Mgr Jean Laffitte
Le cas des mariages mixtes
«Le terme «mariage mixte» ne s’applique qu’aux
mariages entre chrétiens de différentes confessions – catholiques avec
orthodoxes ou protestants – , c’est-à-dire entre baptisés. Le mariage
entre personnes de religions différentes est appelé «mariage avec
disparité de culte». Pour les mariages mixtes, il faut une dispense de la
part de l’autorité ecclésiastique. Il s’agit de mariages très
populaires dans de nombreux pays, même en Europe. En Allemagne, par
exemple, les familles composées de catholiques et de luthériens
représentent la moitié de la population. Ces unions ne montrent pas de
difficultés particulières, car les mariés ont tous deux pour référence
le Christ. Toutefois, ce n’est pas si simple d’aimer quelqu’un qui ne
partage pas la même appartenance religieuse ; vues les éventuelles
implications possibles, le chrétien qui veut participer activement à la
vie de foi, doit donc se demander si son conjoint n’entrave pas sa
pratique religieuse. La foi catholique relie le mariage à un mystère qui
est plus grand, à savoir celui de l'union entre le Christ époux et
l’Église épouse. Pour les catholiques, le mariage est le septième
sacrement et il ne représente donc pas seulement un signe de la volonté
de l’union entre les deux mariés, mais le signe efficace de l’union du
Christ avec l’Église et du baptisé avec le Christ.
Pour
l’Église catholique, le mariage n’est pas seulement l’union entre un
homme et une femme, mais un mystère ecclésial. Lorsque l’on se marie
avec une personne de confession différente, il faut se poser les
questions suivantes à l’avance– pour la pratique du culte, quelles
seront les manières familiales de vivre la foi chrétienne à travers, par
exemple, la prière commune, ou la confession dans laquelle les enfants
seront baptisés et éduqués – ce qui représente un sujet de vie conjugale
très important, qui ne peut certes pas être relégué dans l’indécision et
renvoyé à la vie familiale après les noces. Pour obtenir l’autorisation
de se marier de la part de l’autorité ecclésiastique, il faut un
engagement des mariés à baptiser leurs enfants et à les éduquer dans la
foi catholique. Il y a, ensuite, le problème de la notion du mariage
comme sacrement, ce qui est valable seulement pour les catholiques et
non pas pour les protestants qui ne croient pas à l’indissolubilité du
mariage, justement parce qu’ils ne croient pas au mariage comme à un
mystère d’union des époux avec le Christ, admettant par conséquent le
divorce et le remariage. Pour les catholiques, au contraire, le Christ
conclut dans le mariage, une alliance avec les mariés qui est, de par sa
nature, irrévocable, et qui dure par conséquent jusqu’à la mort de l’un
des époux. Il s’agit là de questions fort importantes qui nécessitent
une pastorale consacrée».
Quelle est, au contraire, la condition des mariés avec disparité de culte?
«Nous
parlons ici de mariages entre un conjoint chrétien et l’autre qui ne
l’est pas. Il est impossible d’analyser ici, en détail, les problèmes
spécifiques relatifs aux unions, par exemple, avec un hindou, un
bouddhiste ou un shintoïste. Il s’agit, toutefois, de nombreux problèmes
qui sont souvent insurmontables, qui font l’objet d’enquêtes et sont
inclus dans les études et les recherches de la part des Conférences
épiscopales des pays où le phénomène est surtout relevé, ou encore de la
part des institutions académiques (l’Institut pontifical Jean-Paul II
pour les études sur le mariage et la famille). En Europe, en Afrique,
au Moyen-Orient et dans certains pays d’Asie comme l’Indonésie, la
Malaisie et l’Inde, les mariages les plus répandus sont, au contraire,
ceux entre croyants des religions monothéistes, en particulier entre
catholiques et musulmans.
Afin que le mariage soit
valable, il faut une dispense explicite de renonciation. Pour bénéficier
de cette autorisation, il doit y avoir un accord entre les parties sur
les fins et les propriétés essentielles du mariage. La partie
catholique s’engage avec l’autre partie à maintenir et à vivre sa
propre foi, à baptiser les enfants et à les éduquer dans l’Église
catholique. Il est ainsi facile de percevoir, dès le début, la
difficulté spécifique des unions islamo-chrétiennes.
La
tradition islamique exige que les enfants musulmans soient élevés dans
la religion du père musulman. Dans certains pays où la loi islamique est
en vigueur, le mariage entre chrétiens et musulmans est même interdit.
Dans d’autres, comme par exemple au Liban où la cohabitation des deux
religions existe depuis longtemps, on relève des expériences positives
de mariages entre musulmans et chrétiens. Cependant, la plupart des
problèmes surviennent au fil du temps, après des années de vie
conjugale, tels que les conflits sur l’éducation des enfants, la
conception de la femme, ou tout simplement la différente ferveur
religieuse des deux conjoints envers leur propre foi. J’ai connu des
familles ayant une disparité de culte apparemment sereine, dans
lesquelles la partie pratiquante était surtout celle musulmane. De la
part des catholiques, il peut alors y avoir le risque d’un
indifférentisme religieux dominant, qui amène le conjoint chrétien à se
contenter de respecter le conjoint musulman, en renonçant à témoigner de
façon visible sa propre foi en Jésus-Christ».
Mgr Jean LAFFITTE